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Les jardins qui chantent

J’ai toujours été intriguée, voire subjuguée, par le foisonnement du vocabulaire existant pour qualifier le chant des oiseaux. Mon petit chouchou est sans conteste  « zinzinuler », verbe propre aux petits oiseaux comme les mésanges, les fauvettes ou les colibris. Il trouve son origine dans le zinzilulare latin qui signifiait gazouiller, mais il y en a beaucoup d’autres.

Beaucoup, bôôôôôôôcoup d’autres : on dépasse les 150 verbes pour dire cui-cui, c’est dire.

Des cui-cui par milliers

Sans surprise, le paon 🦚 – fier comme un paon- paonne quand il parle. A noter qu’il braille également. Ses angoissants meeooww meeooww meeooww dignes d’un film d’Hitchcock lui enlèvent ainsi hélas quelque peu de son panache.

Le pauvre rossignol quant à lui, il quiritte. Ses vocalises en ont vraisemblablement irrité plus d’un – des jaloux sans doute – car non seulement il quiritte, mais on utilise aussi son nom pour parler d’un passe-partout ou d’un vieil objet obsolète. «Passe-moi le rossignol» est donc une phrase que l’on entendra davantage au cours d’un cambriolage ou d’une brocante, que dans le cadre d’une discussion entre deux éminents ornithologues (…ou deux taxidermistes).

Pour des raisons qui nous échappent, le cygne 🦢 drensite tandis que la sarcelle truffle et que le geai, frigulote ou fringole.

Le verbe cacaber existe!

Les cailles, perdrix et pintades cacabent. Si, si, elles cacabent.

Vous comprendrez aisément que je n’ai pas pu résister à l’envie d’aller voir comment ce prodigieux verbe se conjuguait. Et ayant à  cœur de vous éviter des moments embarrassants dans la vie, je vous transmets ci-dessous quelques constatations primordiales.

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Lien vers le livre chanteurs d'oiseaux

Premièrement, il semble judicieux de ne pas confondre cacabons (verbe cacaber, 1ère personne du pluriel à l’impératif) avec caca bon (paroles de Jules, 3 ans,  très fier d’avoir été sur le pot).

Deuxièment comprendre que «tu cacabas!» n’est pas une exclamation insultante à notre égard, mais bien tout le contraire, puisqu’on nous félicite de chanter comme une caille ou une pintade, semble essentiel pour éviter des incidents diplomatiques.

Troisièment, il nous faut accepter que cacabas est le verbe cacaber conjugué à la 2ème personne du singulier au passé simple et n’est donc pas un antonyme de cacaos.

Le verbe puputer existe! 😎

Dans sa grande mansuétude, la langue français affectionnant particulièrement de rendre service, elle a prévu que – dussions-nous ressentir un jour le besoin d’émettre le cri de la huppe – nous puissions puputer ensemble à tous les temps :

🎶 nous puputons 🎶

🎶 nous puputions 🎶

🎶 nous puputâmes 🎶

🎶 nous puputerons 🎶

De ce fait, ne nous offusquons donc pas, si d’aventure, quelqu’un nous demande : «Puputassiez-vous hier dans le bois ?» (à moins que la personne qui pose la question ne bégaie, bien entendu).

Accessoirement, la huppe pupule aussi.

 Et autrement, dans le registre usurpation de cris, nous avons :

🦉 le hibou, l’orfraie, la buse et l’épervier qui ne reculent devant rien, miaulent (on voudrait être là pour voir la tête du chat quand il va apprendre ça 😅).

🐧 le manchot assumant d’être confondu avec un âne, braie, enfin, s’il n’est pas déjà en train de jaboter bien sûr.

🦅  l’aigle, l’épervier, le faisan et la grue glapissent (comme des renards donc – dont le cri est tout aussi enchanteur). Ceci dit, on n’en est pas à une bizarrerie près, puisque les lapins glapissent aussi.

NB : ceux qui suivent auront sans doute remarqué que l’épervier devrait se proposer pour être doubleur de voix dans des dessins animés vu qu’il sait déjà miauler comme un chat et glapir comme un renard ou un lapin. En plus, on ne sait jamais, ça peut servir: il peut aussi tirailler, pialer et grailler.

Et ce n’est pas tout!

La nuit, le hibou ne fait pas qu’hululer à la lune, il bouboule. Il bubule et tutube aussi. La chouette occupe, elle aussi, bien ses journées nuits : elle choule, chuinte, hioque, hôle, hue et lamente (à ne pas confondre avec la forme pronominale du verbe, se lamenter: celle-là c’est plutôt nous qui l’utilisons 😋).

Tandis que l’alouette, gentille alouette, elle, ne fait rien de moins que chanter, grisoller, triller, turlutter et… tirelirer. Et c’est loin d’être du chiqué : son répertoire est l’un les plus riches du monde des volatiles avec plus de 600 notes et syllabes. Elle peut ainsi papoter fort agréablement avec ses congénères.

Par ailleurs, le coucou coucoue pendant que le coq coquerique. Il arrive au rossignol de rossignoler. Oui, indubitablement, on a dû proposer à des enfants – ces artistes de la simplicité poétique – la laborieuse tâche de trouver des mots pour décrire les chants de ces oiseaux. On s’est regrettablement arrêté là, autrement on aurait le hibou houhoute et le moineau cuicuite. 

Hum, ma culture est manifestement limitée: ce n’est qu’en remarquant que le correcteur orthographique ne soulignait pas ce verbe cuicuiter du rouge de la honte lorsque je l’ai écrit, que j’ai appris son existence. 

Autant pour moi.

Des enfants (ou des adultes bénis d’un âme d’enfant) ont donc décidé que les oiseaux cuicuitent. Ainsi, si je comprends bien, dans le cas où l’on ne maitriserait pas le vocabulaire spécifique à chaque bête à plume, on pourrait zapper tout ce qui précède et s’en sortir avec cuicuiter. 😱

Quand je vous disais que la langue française aimait par-dessus tout rendre service… elle est pas belle la vie ?

En coulisse

La pintade est un oiseau qui résonne particulièrement pour moi.

Quand j’étais petite, je suivais des cours de ballet. J’adorais la danse classique mais comment dire, elle ne me rendait pas vraiment ma grande affection: je n’ai jamais su faire un grand écart ni même une arabesque digne de ce nom.😊

Mais bon, qu’est-ce que cela à voir avec le schmilblick? J’en arrive donc à ma pintade. Chaque année, notre professeure de danse organisait un spectacle dans un théâtre et était toujours un peu empruntée pour me trouver un rôle qui mette en avant en arrière mes compétences. Cette année-là, le thème du ballet était la fable de La Fontaine: Perrette et le pot au lait. Et clairement, je n’allais pas être Perrette, pas même le pot au lait. La prof eut alors une illumination : j’allais être une pintade, une belle pintade bien dodue (le premier qui rit va au coin).

Mais comme il eût fallu réaliser un tutu gris pailleté sur mesure alors que c’était tellement plus simple d’en acheter un blanc standard, au bout du compte, adieu veau, vache, cochon… pintade: la poule blanche au fond de la salle portant cette délicieuse crête rouge sur le sommet du crâne, c’était moi.

Fort curieusement, les photos de ce fabuleux spectacle ont complètement disparu de mes albums. 😊

Même quand l’oiseau marche on sent qu’il a des ailes.

Antoine-Marin Lemierre

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